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Autres Sources: |
--Dioptaz, Michel-Laurent, l'Eveil Trans-Paradoxal , l'Autre monde, N°132, Paris, jan. 1993, (SIRET : 316054 071 Commission paritaire: N°57540), p.74-77. |
--Dioptaz, Michel-Laurent, l'Eveil Trans-Paradoxal ,, d'Un monde à l'Autre, N°2, (revue de l'université d'été « Trimurti »), Eté, 1994. |
Le principe et la notion de « Transparadox » sont nés des recherches de Michel-Laurent Dioptaz sur les flux-structures, les articulations sous-jacentes aux effets de surfaces et sur la traversée des paradoxes. Phénomènes pour lequel Dioptaz inventa, le terme de "Transparadox". Un nouveau paradigme, dont il explore depuis plus de 40 ans, les dimensions et applications : plastiques, sensitives, cognitives et existentielles.
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Sources biographiques (Bibliographie, interviews, reportages et événementiels) : http://www.media.library.dioptaz.com/ |
Transparadoxale-intelligence
Le TRANSPARADOXAL©® ou TRANSPARADOX©® est totalement tourné vers l'expérimental, il ne se donne pas pour tâche d'aborder
les mécanismes d'ouverture de la conscience
sous forme de spéculations intellectuelles.
Toutefois comme nous sommes ici dans l'univers
des pensées, c'est bel et bien elles qui vont
devoir être utilisées pour expliciter un processus
qui dans la pratique a
pour fonction, à l'inverse, de ne plus
faire usage des pensées.
Mais,
en fait, cette situation absurdement paradoxale
convient plutôt bien à notre démonstration,
puisque justement sont "Transparadoxaux"
les niveaux de conscience et les vécus qui
ramenés dans l'univers de la logique et des
mots vont devoir être décrits sous forme de
paradoxes alors qu'à l'inverse la personne
qui les expérimente n'en éprouve plus le moindre.
"Trans-paradox" signifie
littéralement "Traverser le paradoxe".
Tout nouveau mot réclame une définition
mais "Transparadox" est un mot vraiment
très particulier puisqu'il détermine l'événement
où précisément les définitions basculent et
changent de sens.
De
plus "définir" est d'autant moins
approprié que cela enferme dans des limites,
alors que la fonction même des techniques
Transparadoxales" est de les ouvrir.
Mais tout d'abord, il nous faut donner
un peu plus de "corps" aux paradoxes
avant de manifester le pourquoi de ce "Trans"
qui leur passe au travers.
On
ne peut décrire un miroir sans tain en spécifiant
simplement que l'on s'y reflète, il nous faut
aussi signaler que de l'autre côté l'on voit
au travers. Mais c'est encore tout autre chose
lorsqu'il s'agit d'un miroir sans tain qui
d'un côté reflète et de l'autre n'existe tout
simplement pas.
Pour les personnes qui ne font qu'effleurer les paradoxes, ceux-ci peuvent
apparaître comme de simples jeux de l'esprit,
ou bien encore comme d'adroites figures de
rhétorique ou, à l'inverse, comme des maladresses
dans l'ordonnance des pensées. Mais le coeur
des paradoxes s'ouvre sur tout autre chose
que ces fantaisies, il s'avère entre autres
être l'un des moyens les plus efficaces pour
prendre conscience des limites mouvantes de
notre mode de préhension et de construction
du réel.
Les paradoxes sont des "Picasso"
de la pensée qui nous montrent leur devant
et leur derrière au même instant. Ils peuvent
offrir l'émerveillement d'une oeuvre d'Art
à toute conscience qui les appréhende dans
leur entièreté, ou une terrible grimace à
l'esprit qui se laisse effaroucher.
Lorsqu'un
paradoxe s'active en nous, c'est tout notre
relief existentiel qui se trouve chamboulé.
Voilà qu'il nous met le dedans dehors, le
haut et le bas au même endroit et ainsi de
suite... L'intellect ne disposant pas de cette
souplesse, ne supporte pas d'être pareillement
défiguré. Cette double contrainte, cette prise
de judo placée aux articulations de sa réflexion,
risque d'être très douloureuse et même blessante
s'il ne lâche pas prise.
Et
il faut faire attention car les paradoxes
sont des mirages, dans lesquels on peut mourir
noyé.
Il y a de très nombreuses formes de
paradoxes. Toutefois pour simplifier mon propos
je me propose de les classer essentiellement
en deux grandes catégories:
L'une regroupant toutes les formes
de paradoxes qui se développent au sein même
du mental et qui peuvent se résoudre sans
avoir quitté le mental.
L'autre étant constituée des paradoxes
qui sont l'expression même de la scission
fondamentale du mental et qui ne peuvent être
résolus qu'en lâchant prise au mental. C'est
essentiellement ces derniers qu'utilisent
les techniques Transparadoxales.
En ce qui concerne la première catégorie
de paradoxes, ceux qui se développent dans
les "replis" du mental, comme par
exemple lorsque deux niveaux d'attention sont
confondus, mêlant langage et métalangage.
Ou bien encore lorsqu'un énoncé s'inclut lui-même.
Ces types de paradoxes résultant des structures
internes du mental peuvent être résolus en
modifiant les boucles de sa réflexion. La
résorption de ce type de paradoxes permet
d'explorer et d'ouvrir les profondeurs et
les richesses de l'outil mental, mais pas
de déposer cet outil.
On
peut, en effet, profiter de la "galipette" qu'offre
un paradoxe, pour rentrer à nouveau dans l'intellect,
mais sous un autre angle. Ce qui permet d'assouplir
et d'éclairer autrement l'ordonnance de ses
pensées, de retourner nos schémas mentaux
pour en dégager des lectures et implications
nouvelles et, parfois même, d'établir un nouveau
paradigme. Les nouvelles perspectives offertes
sont souvent formidablement riches, et semble-t-il,
tout particulièrement pour l'épistémologie. Riche aussi en prise de conscience
que d'évidence nous sommes des créateurs de
réalité, avec les conséquences et les responsabilités
que cela implique.
Dans cette approche le mental cherche à résoudre
le paradoxe, pour acquérir plus de cohérence.
En ce qui concerne l'approche Transparadoxale
c'est l'inverse qui se produit, c'est le paradoxe
qui va permettre de résoudre le mental.
La plupart des paradoxes ne peuvent
se résorber qu'en déposant le mode de lecture
qui les engendre. Les paradoxes de la seconde
catégorie étant la manifestation même des
limites de fonctionnement de notre outil discursif,
ne peuvent être résolus qu'en lâchant cet
l'outil. C'est en cela qu'ils peuvent se révéler
extrêmement précieux pour les explorateurs
de la conscience, car ils déterminent l'exact
point vital où peut se produire le lâcher
prise.
Le mental, notre outil basique de lecture du
«réel», dédouble le monde en deux pôles pour
le décoder. Et, en raison de cette scission, éprouver
les informations antagonistes de ces deux
pôles, au même instant, est pour lui impossible.
S'il
s'y essaie, voilà que ces contraires se chevauchent,
provoquant une conjonction impraticable :
le paradoxe.
«
- Comment pourrais-je percevoir du plein et
du vide, du lourd et du léger tout à la fois?
C'est paradoxal! C'est comme "ceci"
ou comme "cela",
l'on ne peut pas vivre une chose et
son contraire au même instant, il faut choisir:
du " + " et du" — " ensemble,
ça ne peut que provoquer un court-circuit.»
Et
en effet, il a raison, cela court-circuite
le mode d'attention qui tient ce raisonnement,
cela court-circuite l'outil à séparer les
polarités.
C'est
de cette façon que fonctionnent les "koan" Zen. C'est aussi de cette façon qu'interviennent
les techniques Transparadoxales, bien qu'elles
n'utilisent pas le même type de paradoxes,
puisqu'elles
emploient essentiellement les paradoxes induits
entre le vécu du corps et la lecture que nous
en avons.
Cette catégorie de paradoxes manifeste
les limites de fonctionnement de notre mental.
Et, tant que nous ne disposons que de cet
outil comme système d'appréhension du réel,
ce sont nos propres limites existentielles
que ces paradoxes manifestent. Notre "moi"
étant à tel point identifié à cet outil que
lorsque cet outil rencontre ses limites, elles
deviennent nôtres. Ces paradoxes deviennent
existentiels; leurs "décharges électriques"
nous ramenant dans la sécurité de l'enclos de la logique des pensées,
limitent et bloquent l'ouverture de notre
champ de conscience et notre créativité.
Bien sûr, ces limites sont extrêmement
utiles, car non seulement elles structurent
le "moi" et l'ego qui le revendique,
mais elles placent aussi nos attentions en
symbiose, au même niveau de lecture du réel.
Ainsi, vivant les uns les autres la même interprétation
du monde, nous pouvons nous y rencontrer,
communiquer, échanger de l'information, agir
ensemble, fabriquer un langage, une culture...
Langage et culture qui, à leur tour, fabriquent
nos limites.
Les
limites engendrant ce qui les engendre, le
système se mord la queue, la boucle est bouclée
et ça tourne... Ainsi chaque jour nous nous
réveillons dans la même réalité que la veille.
Cette chose est comme ceci et s'appelle "comme
ceci", cette autre est comme cela et
s'appelle "comme cela"; c'est du
solide!
Mais nous payons le prix fort pour
ce confort car, dans le temps où nous maintenons
cette réalité, cette réalité nous tient à
elle. Et nous y sommes à tel point assujettis
que nous oublions qu'elle n'est que la partie
visible de l'iceberg. Qu'elle fait partie
intégrante d'un réel infiniment plus vaste
qui ne s'arrête pas là où notre mental cesse
de le percevoir et de le comprendre. Nous
oublions que le mental trace dans le continu
du réel des frontières d'autant plus arbitraires
qu'elles varient d'une culture à l'autre,
voire même d'un groupe ou d'un individu à
l'autre. Nous oublions que la conscience humaine,
peut se prolonger bien au-delà des boucles
mentales qui se nouent "paradoxes".
Nous oublions que là où le mental nous fait
ressentir la séparation, c'est justement là
que la vie se réunit. Nous oublions que ne
disposant que de ce seul mode de compréhension
qui fragmente et dédouble le réel, jamais
nous ne pouvons participer en conscience de
cette unité.
C'est ainsi que dans les débats, on
peut entendre dire : « ...
mais ce que vous dites est totalement paradoxal!»,
sous entendu «c'est invraisemblable, impossible, absurde, maladroit etc.», démontrant
d'évidence que les paradoxes sont instinctivement
considérés (ressenti par le mental) comme
des obstacles, des limites à la compréhension;
et certes pas, comme des invites à s'ouvrir
sur du plus vaste, s'ouvrir à une autre forme
d'intelligence.
"Paradoxe"
devient, en quelque sorte, le nom d'une clôture
ressentie comme infranchissable, qui délimite
le territoire de notre compréhension.
Nous
disposons donc du mot "paradoxe"
pour nommer le lieu où se referme notre entendement,
mais nous n'avions pas de mots pour nommer
ce même lieu lorsqu’il ouvre notre entendement.
C'est
pourquoi, alors que le "paradoxe"
est ressenti comme sans issue, "Transparadoxal" nomme ce même lieu lorsque tout au contraire,
l’on constate qu'il est une porte de sortie.
Mais tout se passe comme si le mental
ne tenait pas à considérer qu'il y a une issue
à lui-même car, après tout, sa fonction est
de maintenir sans cesse, le plus solidement
possible, sa cohérence et par là même la réalité
qu'elle manifeste ainsi que le moi qui s'y
est identifié. Et, pour ce moi, il est très
angoissant d'envisager que les paradoxes puissent
être tout à la fois le lieu de notre enfermement
mais aussi celui de notre liberté.
Difficile
d'admettre que nous nous enfermons avec les
clefs que nous avons forgées pour ouvrir le
monde.
Si
j'ai conçu ce nouveau terme c'est
pour mettre en évidence l'articulation d'un phénomène qui lui, n'est
certes pas nouveau puisqu'il est vieux comme
notre intelligence. Mais qui pourtant n'était
pas clairement éclairé puisque pas nommé dans
nos cultures...
Pourtant s'il est vrai que c'est l'endroit
où l'usage des mots nous quitte, c'est aussi
l'endroit jusqu'où il nous accompagne.
Il existe bien sûr, des termes comme
"non-dualité", "union des contraires"
etc. qui se posent encore au-delà, puisqu'ils
nomment ce qui est, lorsque le mental n'est
plus. Mais nous n'avions pas de terme pour
nommer et reconnaître l'articulation elle-même,
là où se produit la transmutation (bipolarisation dans un sens, et fusion des
contraires dans l'autre).
C'est
ainsi que ce terme de "Transparadoxal",
qui, à première vue pouvait apparaître fort
complexe et bien curieusement cogité-alambiqué,
est en fait des plus simples, puisqu'il est
constitué du mot "paradoxe" qui
détermine l'exact lieu du phénomène (mot
pour lequel nous n'avons pas d'alternative,
puisqu'il n'a pas de synonyme), et "Trans"
qui est le préfixe qui convient pour signifier
la traversée de ce lieu.
Pour ma part, j'avais besoin de nommer
cet espace vital, car tout comme l'on peut
se sentir appelé vers les espaces de découvertes
qu'offrent les profondeurs des océans, des
forêts vierges, des microscopes, des mathématiques...
Autant que je me souvienne, ma curiosité s'est
toujours posée sur les mystères de cette articulation, sur les possibilités d'ouverture, d'intuition,
et de liberté qu'elle révèle, expérimentant
ses incidences sur l'ouverture de nos portes
de la perception et sur les Arts qui fleurissent
à chacune de ces portes...
A
présent j'utilise le terme "Transparadoxal"
pour désigner tout à la fois : la traversée
des paradoxes, les procédures pour le faire
et les états de conscience induits par cette
traversée. Ces différents aspects n'étant
dissociables que d'un point de vue mental.
*
Il existe une grande diversité de méthodes
pour induire cette "traversée",
la plupart sont très anciennes et nous parviennent
de cultures très diverses.
Mais
en fait, toutes les techniques de méditation
dans leur forme même révèlent l'écho de la
distorsion transparadoxale qu'elles traversent.
C'est ainsi que, d'une façon ou d'une autre,
elles nous invitent à "faire" pour
découvrir le "non-faire", s'adressent
à notre intellect pour lui faire savoir qu'il
ne peut pas comprendre, réclament que l'on
fasse des efforts pour obtenir le "lâcher-prise"
et ainsi de suite... Et ce présent texte n'y
échappe pas, puisque me voilà dans de complexes
explications pour vous révéler le sens du
Transparadoxal qui, dans la pratique, consiste
à utiliser les chemins de la plus simple des
simplicités.
Lorsque glissant sur "la plus
simple des simplicités" on explore les
lignes de moindre résistance du mental à lâcher
prise à lui-même, apparaissent des endroits
où ses limites paradoxales sont en quelque
sorte moins "rigides", moins "irrévocables".
Et
c'est tout particulièrement le cas des paradoxes
induits entre le vécu de notre corps et la
lecture que nous en avons.
Ces paradoxes sont dus au fait qu'à chaque instant, notre corps vit une multitude
de situations bipolaires dans une totale simultanéité,
alors que notre mental n'a accès à ces mêmes
bipolarités que de façon successive.
«Par exemple lorsque nous marchons,
chaque pied, chaque jambe a un vécu
totalement antagoniste de l’autre.
En effet, alors qu'un pied appuie puissamment
sur le sol, absolument au même instant, l'autre
pied s'envole se déplaçant dans le vide.
Voilà
que, très exactement dans le même temps, le
présent de notre corps gère d'un côté
le poids, la fixité, le toucher du
"plein" et, de l'autre, la légèreté,
le mouvement, le toucher du "vide"...
Le yang et le yin sont présents absolument
au même instant, et pas seulement successivement
comme notre mental nous les donne à percevoir.
L'attention dont dispose le mental peut passer
très vite du ressenti d'un pied à l'autre
: pression, envol, pression, envol... yang,
yin, yang, yin... Mais elle ne peut appréhender
le relief vital qu'offre le vécu "antagoniste"
de nos deux pieds au même instant.»
C'est
ainsi, que là où le corps vit une unité, le
mental va ressentir un paradoxe s'il s'essaie
à participer consciemment de cette unité.
Il va se sentir écartelé là où la vie se réunit.
Et c'est en cela que ces paradoxes sont tout
particulièrement précieux et pratiques car,
non seulement, ils démontrent très simplement
et radicalement que ce mode de fonctionnement
cérébral ne peut avoir accès à l'unité d'un
continuum. Mais ils nous offrent, aussi, un
espace expérimental très particulier car les
paradoxes y montrent comme une transparence.
En effet, en cet endroit le mental se trouve
juste à l'articulation de ce qu'il peut parfaitement
concevoir mais ne peut plus expérimenter.
Voilà qu'il se voit produire un paradoxe,
là où pourtant sa propre logique lui montre
qu'il n'y en a pas. Et ceci donne de curieuses
propriétés à ce type de paradoxes car d'ordinaire,
à l'inverse, c'est la logique qui produit
les paradoxes.
Dans
ce simple exemple de la
marche, le mental se dit:
«
C'est mon
corps, ces deux jambes sont les miennes,
donc ce qu'elles vivent je peux le vivre bien
sûr! ...Oui, voilà, je ressens bien mon pied qui appuie fortement et fixement sur le
sol... Mais,
je constate aussi que dans le même temps mon
autre pied en mouvement s'élève léger dans
le vide... Mais ce sont deux informations
totalement contradictoires! Que faire? Comment
puis-je être léger et lourd, en mouvement
et immobile tout à la fois? Comment faire?
Je peux ressentir et goûter tout le plaisir
qu'il y a à marcher en ancrant puissamment,
à chaque pas, mes pieds dans la terre... Je peux aussi goûter cette
liberté d'avoir des ailes au talon qui m'envolent
à chaque enjambée. Mais c'est l'un ou l'autre
: ou je ressens l'envol, ou je ressens l'ancrage,
je ne peux éprouver les deux en même temps.
»
Force
est de constater qu'en utilisant ce mode d'attention
on ne peut apprécier l'entièreté d'un processus
aussi simple que "marcher".
Le
mental comprent parfaitement cette bipolarité
instantanée que vivent "ses" jambes,
et pourtant dans le même temps il se doit
de constater qu'il ne peut plus expérimenter
ce qu'il comprend.
C'est pourquoi, bien qu'il ne puisse
les résoudre, l'intellect ne considère pas
ce type de paradoxes comme des obstacles.
C'est en cela que cette articulation de l'attention
est un endroit privilégié pour mettre le mental
en repos, car il ne s'y rebelle pas. Il peut
ainsi y devenir très "souple" jusqu'à
s'autoriser à s'abandonner complétement au
lâcher prise...
Les techniques Transparadoxales ne servent pas à réunir les polaires,
mais à mettre en repos nos conditionnements
à polariser le monde.
Invitant la totalité de l’esprit à participer
de ce que vit le corps, les "Koan"
Transparadoxaux se présentent ainsi:
«-Peux-tu, en toute attention, participer de
la totalité de ce que vit ton corps durant
la marche?»
«-Peux-tu, en conscience,
percevoir tes deux mains pendant que l'une
se ferme et que l'autre s'ouvre?»
«-Peux-tu participer
de l'entièreté de ton souffle lorsqu'il...
de l'entièreté de ta main lorsqu'elle...»
Le
moi mental ne se sent pas mis en danger dans
des invites comme celles- là, il sent bien
que l'être n'y est pas atteint dans son intégrité,
et que tout au contraire ce sont des incitations
à la cohérence, à l'unité.
En
ces endroits l'ego n'a pas dressé de fortification,
puisqu'il se sent chez lui, entre lui et lui...
après tout c'est son corps.
Ne
se sentant aucunement en péril, il veut bien
jouer à se relâcher, jouer à entrer dans la
danse du lâcher prise pour accéder à cette
invite.
C'est
pour toutes ces raisons que j'ai posé l'apprentissage
du Transparadoxal à cet endroit. Là où l'on
peut éprouver physiquement l'étroitesse de
ses pensées,
ressentir dans et avec son corps les
limites de notre mode usuel d'appréhension
du réel.
Les invites Transparadoxales nous mettent au pied du mur,
au pied du paradoxe. Elles nous placent d'emblée
face à l'évidence expérimentale qu'il nous
faut lâcher prise à ce mode de compréhension
binaire si nous "désirons" participer
de l'entièreté de l'instant, entrer dans le
relief du présent.
En
ce lieu où coïncident les opposés, les contradictions
peuvent ou produire un paradoxe ou, à l'inverse,
se résoudre dans une plénitude. Et, d'évidence
pour répondre à ces invites, le choix réside
dans notre mode d'appréhension du réel.
J'ai conçu cette méthode de façon à
utiliser notre perception dédoublée comme
tremplin. Nous chevauchons notre dédoublement
en posant notre attention sur des dynamiques
du corps où à chaque instant, se résolvent
spontanément ces distorsions de l'unité, les
paradoxes. (Voir chapitre
"d'un geste de la main il ouvrit son
intelligence".)
En
pilotage automatique la gestion simultanée
de ces fonctions bilatérales antagonistes
ne pose aucune difficulté et ne fait pas apparaître
le moindre paradoxe. Mais dès que le mental
veut assister à l'entièreté d'une seule de
ces fonctions, les paradoxes surgissent. Comme
nous l'avons vu, ces paradoxes ne sont pas
dus au processus en lui-même, mais à la façon
dont on y glisse son attention. C'est en cela
qu'ils sont des lieux privilégiés, des articulations
idéales pour changer de mode d'attention.
Ces "Koan" Transparadoxaux
utilisent les paradoxes sous forme d'invite.
Ils posent des questions qui ne peuvent être
résolues qu'avec le corps.
Ces
paradoxes sont ainsi conçus que si l'on s'essaie
à les résoudre, de suite ils impliquent l'entièreté
de la personne et pas seulement les replis
de l'intellect. Et bien que l'invite soit
faite à l'intellect, d'évidence la solution
va se trouver dans sa disparition.
Bien sûr, dans un premier temps, si
le mental est la seule façon d'être dont nous
disposons, c'est lui qui va tenter de réussir
la traversée de ces acrobatiques paradoxes.
Et, il va mettre toute sa virtuosité à tenter
de réussir ce qui lui semble être un challenge,
et bien que cela soit "mécaniquement"
impossible pour lui, il va s'essayer à penser
à plusieurs choses contraires à la fois. Ce
faisant, le voilà comme un chien face à deux
gros os qu'il voudrait avaler tous les deux
à la fois mais ne pouvant les saisir ensemble,
court sans cesse de l'un à l'autre. Pareillement
la bouche du mental est trop petite pour y
faire entrer toutes les nourritures de l'instant...
Il lui faut donc courir d'un ressenti à l'autre
pour reconstituer de façon successive ce qui
est simultané.
L'effet
stroboscopique de cette virtuosité mentale,
ne peut être maintenu très longtemps — rebondissant
très vite d'un pôle à l'autre — à ce régime, cette forme d'attention s'essouffle rapidement
et on ne peut réaliser cela guère plus que
quelques instants. D'autant que ce comportement
produit comme une friction des polarités qui
crée une sorte d'échauffement psychique. Et
si l'on insiste trop, l'on doit se dégager
de ces acrobaties mentales avec une impression
de vertige et d'irritabilité.
Reste
que ce fulgurant Tai-chi est une bonne gymnastique
pour assouplir le mental. Et, l'inconfort
qu'il provoque va favoriser la recherche d'une
alternative et l'apparition du lâcher-prise.
*
... Vient un temps où l'on constate
que cette totalité ne peut être le résultat
d'aucune forme d’addition ou de multiplication,
que d'évidence c'est notre "vouloir faire"
qui est l'obstacle. Et que de toute façon,
cela ne peut être fait, cela peut juste se
produire.
Et
après s'être heurté encore et encore à la
transparence du carreau clos, d'un coup l'on
s'aperçoit qu'à côté la fenêtre est grande
ouverte.
Ressentant physiquement que ce type
d'attention est trop rigide pour se glisser
et épouser la totalité du relief de l'acte
en cours, l'on recherche un chemin plus fluide,
une attention plus "liquide"...
Voilà que la plasticité du corps laisse transparaître
comme une "plasticité de l'attention",
l'on découvre alors que cette souplesse de
l'attention résulte d'un souffle d'une incroyable
simplicité, que cette simplicité est pure
vacuité... Que cette vacuité est pure simplicité...
Tout
se passe comme si cette autre qualité d'attention
nous était révélée dans le vide des articulations
de notre corps.
Lorsque le corps et l'esprit s'articulent
au même endroit, alors, le moindre geste du
corps, sa plus subtile immobilité, apprennent
à l'esprit l'entièreté de l'instant.
L'énigme de ces "koan" corps/esprit ne réside
pas dans les obscures secrets qu'ils révèlent,
mais tout au contraire, dans l'éblouissement
de la terrible simplicité à laquelle ils nous
confrontent.